Elle a 5 ans, elle est en dernière année de Maternelle. C’est la période de Noel. Elle est assise sur le canapé face au sapin décoré et elle lit toute seule sa première histoire : La Petite Poule Rousse.
Peu après, elle a 6 ans, elle est penchée sur son pupitre, assise face à la fenêtre de la classe. Elle lit toute seule les consignes de l’exercice. Elle le trouve vraiment facile cet exercice. Comme tous les autres.
Là, elle a 6 ans et demi, elle vient d’entrer au CP. Elle est assise avec tous ces camarades autour de l’estrade où est installée la maitresse. Il faut déchiffrer l’histoire écrite au tableau. Mais ca fait bien longtemps qu’elle a finit de lire toute l’histoire. Elle n’a même plus le droit de répondre aux questions : la maitresse sait bien qu’elle sait déjà lire. Alors elle est installée à un bureau au fond de la classe pour dessiner ce qu’elle a compris de l’histoire. Même pas captivante cette histoire de chaton coincé dans un arbre…
Elle est toujours en CP mais elle pleure tous les jours car elle ne veut plus aller à l’école. Elle s’ennuie à l’école. Alors après un seul et unique rendez vous avec la directrice et la maitresse, elle change de classe. Lundi, elle rentrera en CE1.
Un jour, elle est assise dans le couloir de la maison, à coté de son papa, qui explique les fractions à sa grande sœur. Elle voit bien que sa sœur ne comprend pas tout aux fractions mais elle se tait, parce qu’elle ne veut pas lui faire de peine : elle, elle a déjà tout compris.
Maintenant, elle a 8 ans, elle est en CM1, Le mercredi, sa sœur et elle restent seules à la maison. Parfois elle s’ennuie. Mais souvent, elle lit. Des bibliothèques roses, ou vertes. Mais parfois aussi des encyclopédies. Qu’elle recopie par page entière…
Les années passent, elle a 11 ans, elle est en 5ième. Elle a été séparé de ses meilleurs amies. Les filles autour d’elle commencent à jouer aux jeunes filles. Pas elle, ca ne l’intéresse pas. Alors elle n’a pas beaucoup de copine et elle passe la majorité des récréations toute seule, assise sur les 3 marches de la sortie de secours, à l’arrière du bâtiment principal. Le mercredi, pour passer le temps, elle fait des exercices de maths dans un vieux manuel que son père lui a retrouvé.
En 3ième, elle n’a pas plus d’amies mais elle a arrêté d’essayer de s’en faire. Entre ses 13 ans et les 15 ans de certaines, elle se sent en décalage. Les garçons, le maquillage, les sorties, elle sent bien que ce n’est pas pour elle. Mais elle aime toujours autant l’école sauf le samedi matin, elle a toujours très mal au ventre, c’est EPS : 2h de torture, ni plus, ni moins. Pendant lesquelles elle se rend ridicule à chaque fois. Entre l’élastique du saut en hauteur qu’elle ne franchit pas, le ballon de basket qui lui échappe des mains. Quoiqu’elle s’en sorte un peu mieux au base-ball.
En seconde, elle n’a pas plus trouvé sa place mais au moins, elle a une amie. Une meilleure amie comme on dit. Ca fait du bien. Et ca l’aide s’intégrer un peu. Oh, elle n’est pas complètement décomplexée ! Dans la cour, elle essaie de donner le change, de faire la fille cool. Mais elle ne fume pas. Et elle ne sort pas avec des garçons avec lesquels elle n’a pas vraiment de chance. Elle n’a toujours aucune confiance en elle mais elle a souvent le cœur plus léger. Et elle trouve toujours que l’école, c’est assez facile.
En terminale, à 17 ans, elle décide de couper ses cheveux très court. Tout le monde trouve que ca lui va bien. Elle voit bien que ca change le façon dont les gens la perçoive. Mais elle se sent toujours un peu nulle. D’ailleurs, elle aura quelques épisodes légèrement dépressifs que ses parents remarqueront à peine. Elle se sent vaseuse avant chaque contrôle important et puis elle angoisse énormément pour la suite de ses études. D’ailleurs pour compenser, elle commence à boulotter du chocolat. Elle doit faire un choix et c’est bien le pire qu’on puisse lui demander. Bien entendu, elle aura son bac mais sans mention. La pression ne lui réussit pas.
Maintenant, elle est adulte. Elle, c’est moi.
Je repense régulièrement à tous ces épisodes de mon enfance et de mon adolescence. Je me dit que je présentais beaucoup de caractéristique des enfants précoces, j’étais un peu bizarre et je me demande si, si j’avais été “dépistée”, j’aurais vécu des choses différentes, si je me serais sentie moins seule, moins différente, moins décalée. Si, si j’avais été suivi par un psychologue, j’aurais été mieux dans ses baskets… Et c’est probablement pour tout cela que j’ai tellement à cœur de m’assurer que mes enfants se sentent mieux que je ne l’ai jamais été.