Grand Bonhomme est donc maintenant qualifié d' »enfant précoce ». Super.
Avec mon bilan sous le bras, j’ai donc demandé un rendez vous à la maîtresse de Grand Bonhomme, Madame P. (P comme Professeur des écoles). Rendez vous pris pour un vendredi entre midi et 14h. Oui, j’ai eu la bonne idée de proposer cette horaire incongru pour montrer mon entier dévouement.
La veille, j’ai eu un entretien téléphonique avec une personne de l’AFEP et un autre avec une personne de l’ANPEIP. En résumé :
– se présenter avec humilité,
– ne pas brusquer la maitresse,
– parler du bilan,
– s’informer sur le ressenti de Mme P par rapport à Grand Bonhomme (son attitude, ses capacités,…)
– demander une rencontre avec la psychologue scolaire,
– glisser l’idée d’un saut de classe…
OK, j’ai tout noté. J’ai répété mon discours dans ma tête pendant plusieurs jours et plusieurs heures. Ne pas faire de faux pas, ne pas être trop sure de moi. Bref, je suis prête.
L’entretien commence et j’expose délicatement le cas de Grand Bonhomme, fréquentant une psychologue depuis plusieurs mois pour retrouver son assurance, de ses facilités à aborder la lecture, de son bilan et surtout des résultats.
Mme P me sourit (P comme Particulièrement Polie). Je ne sais pas si je dois traduire ce sourire car « Super, je suis trop contente d’avoir un cas particulier » ou « J’en ai vraiment rien à faire de ce qu’elle me raconte » ou même encore « Je ne suis pas dans la merde avec ce cas à part… ».
Moi, je continue mon monologue sur le thème de « Je ne veux pas qu’il s’ennuie à l’école », « Je ne veux pas qu’il s’habitue à la facilité car il ne saura pas faire face aux difficultés le moment venu », « Je ne veux pas le brusquer, il est bien dans sa tête et a retrouvé de la stabilité mais il ne faut pas le laisser comme ca… » pour finir par « il faudrait quelque chose de progressif… »
Sourire. Toujours ce sourire.
Mme P me confirme que Grand Bonhomme est très gentil, très calme, très sage et qu’il fait très bien ce qu’on lui demande. A ma question « mais est ce que vous savez qu’il sait lire des mots simples », elle m’explique que « non, puisqu’il ne lise aucune syllabe et ne doivent apprendre qu’à écrire leur prénom »…
De plus, il est très bien dans sa classe. Et quand un enfant ne présente pas de difficultés comportementales majeures, on ne lui propose pas de changement de classe.
C’est dit.
Les conclusions de cet échange (quoique pour échange, il faut être deux, non) sont:
– qu’elle cherchera les coordonnées de la psychologue scolaire pour que notre Mme E la contacte
– qu’elle lui demandera une rencontre avec Grand Bonhomme
– qu’elle proposera à Grand Bonhomme des exercices de Grande Section pour savoir à quel point il peut s’adapter
– qu’elle en parlera au Directeur.
Soit.
2 semaines plus tard, je n’ai toujours de coordonnées de la psychologue scolaire et aucun rendez vous n’est pris. Je attrape Mme P (P comme Pas Pressée) un matin (elle déteste ca, trop de parents, trop d’élèves à accueillir…) et lui demande où sont les coordonnées de la psy scolaire. « Mais c’est compliqué, on n’arrive pas à les avoir comme ca, il faut voir avec le directeur ». Comment ca « on ne peut avoir ses coordonnées? C’est un être humain, non? Elle a le téléphone, non? Le directeur? Soit ! Passez moi le cahier, je vais lui écrire un mot. C’était la semaine dernière.
Depuis, le directeur m’a répondu qu’il n’avait pas le temps de me voir pour le moment et que « la situation est prise en compte mais demande du temps »… Enfin, Mme P (P comme Pffff…) a accepté de me recevoir à nouveau pour faire un nouveau point, notamment parce que, depuis que nous avons parlé du changement de classe avec Grand Bonhomme, il serait « sous pression ».
Lors de ce deuxième entretien, sans Grand Bonhomme, Mme P m’annonce qu’elle a proposé un petit exercice à Grand Bonhomme, dont elle le sent capable et qu’elle lui a proposé de manière informelle : écrire son prénom en cursive avec modèle. Grand Bonhomme, égal à lui même, lui a simplement répondu : « non, je ne sais pas le faire, je ne veux pas essayer ». Voilà, c’est tout lui : s’il n’est pas entièrement en confiance, il n’essaie même pas. Il ferme les écoutilles et basta ! Autant dire que Maitresse + Copains + Extérieur maison = ….. Biiiipppppp. Maiday, maiday, les portes se ferment, on le perd, on le perd !!! Blong. Porte close.
Voilà ma maitresse bien décontenancée. D’autant qu’au autre jour, il montrera le même blocage mais sur un exercice qu’il sait déjà faire… Manque de confiance. Crainte du regard des autres…
Quand à la psychologue scolaire, elle est injoignable car travaille à mi-temps pour toutes les écoles de la ville et on ne peut pas la joindre (vais je me fendre d’un courrier à la mairie et à l’académie?)
Quand on en parle avec lui, centre de toutes les attentions, Grand Bonhomme nous explique qu’il ne veut pas quitter ses copains et veut continuer à faire ce qu’il sait déjà faire sans rien apprendre de plus. Mon fils est intelligent mais c’est une grosse feignasse, timide et mal assuré.
En conclusion, pour le bien être du Bonhomme et pour ne pas perturber l’équilibre que nous avons établi à force de nombreuses séances, Grand Bonhomme ne changera pas de classe. En tout cas, pas tant qu’il ne le demandera pas. Seulement, je n’arrive pas à me faire à l’idée qu’il « végète » en répétant les lettres de son prénom ou en coloriant les triangles en bleu. Donc, j’ai ressorti tous les cahiers d’exercices de maternelles et vais acheter les suivants pour continuer ce que nous faisions avant son entrée en MS : lui proposer des exercices à sa mesure qui lui permettent de se progresser à son rythme et sans le regard des autres.
J’ai longuement hésité à consulter des spécialistes de la précocité mais je ne pense pas que ca changera grand chose car si je dois « forcer » les choses et rendre mon Bonhomme malheureux, ce serait contraire à ce que j’entreprends tous les jours. J’espère juste qu’il « tiltera » suffisamment tôt pour ne pas se satisfaire de son inactivité scolaire sinon je serai contrainte de le faire travailler à la maison jusqu’à son bac !
Bonus : depuis 3 semaines, je suis plongée dans les bouquins sur la précocité, je vous en parle bientôt…
Bonus bis : ce matin, dans l’ascenseur du travail, une dame que je ne connais pas du tout me voyant lire « Les enfants surdoués », m’a demandé cash : « Vous avez un enfant surdoué? » La question m’a arrété tout net. Précoce? Oui. Surdoué, c’est trop bizarre comme terme. Du coup, je n’ai pas réussi à dire oui… Et finalement, elle a commencé à me raconter que sa fille avec fait toute sa scolarité normale jusqu’en CM1 où elle était passé directement en CM2. « Ce qui compte, c’est l’affectif ». Putain, je ne suis pas dans la merde.
Précocité